Toutes les personnes qui ont un grief ne vont pas se plaindre
Imaginez un très grand projet de développement. Tout le monde souhaite vivement que ce projet démarre le plus rapidement possible. Le personnel du projet se rend donc sur le site du projet et informe les villageois que le projet pourrait nécessiter certains changements dans leurs propriétés foncières.
Malheureusement, comme le personnel du projet ne parle pas la langue locale des villageois, la confusion règne quant à la nature exacte et aux conséquences des changements, ainsi qu'aux droits des villageois. En particulier, les villageois ne sont pas au courant de l'existence d'un mécanisme de recours en cas de litige (GRM). En conséquence, les villageois se sentent plutôt confus et impuissants lorsque le personnel du projet arrive sur leurs terres deux mois plus tard pour leur demander de libérer leurs terres.
En effet, les villageois n'ont pas déposé de plainte, mais cela signifie-t-il qu'ils n'ont aucun grief ? Presque certainement pas. Dans ce scénario, comme dans la vie, le silence n'est pas toujours le produit de la félicité ; nous pouvons rester silencieux uniquement parce que nous ne voyons pas d'autre option. Heureusement pour les villageois, une ONG locale a suivi ce projet et est au courant de la situation. Elle publie un article sur la situation critique des villageois. Cela est porté à l'attention du mécanisme de recours en matière de griefs de l'entité qui finance le projet. Peuvent-ils faire quelque chose ?
L'une des fonctions uniques du Mécanisme de Recours Indépendant (MRI) du Fonds vert pour le climat (GCF) est la possibilité d'initier soi-même une procédure, et cela a été conçu spécifiquement pour des situations telles que celle décrite ci-dessus. Les procédures peuvent être lancées automatiquement lorsque trois conditions sont remplies. Premièrement, le MRI doit recevoir des informations d'une source crédible selon lesquelles un projet ou un programme financé par GCF a ou peut avoir un impact négatif sur une personne, un groupe de personnes ou une communauté. Deuxièmement, l'information, si elle est vraie, doit avoir le potentiel de poser un risque significatif pour la réputation de GCF. Troisièmement, les personnes affectées négativement doivent être incapables d'accéder à le MRI. Si ces conditions sont remplies, le MRI peut procéder à une enquête et chercher à résoudre les problèmes.
En août 2018, dans le cadre d'une surveillance de routine de la presse, le MRI est tombé sur trois articles qui ont soulevé des inquiétudes concernant le projet FP001 financé par GCF : renforcer la résilience des zones humides dans la province de Datem del Marañón, au Pérou. Le projet vise à renforcer la capacité de résilience et les moyens de subsistance des communautés indigènes vivant dans l'écosystème des zones humides riches en carbone dans la région de Loreto, au Pérou. Le projet vise également à réduire les émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation. Une activité importante conçue pour atteindre ces objectifs est la création de zones de conservation environnementale (ACA).
Les articles ont soulevé plusieurs préoccupations concernant le projet. Tout d'abord, ils s'interrogent sur l'impact des AMO sur les efforts actuels des populations autochtones de la région pour obtenir la reconnaissance de leurs terres collectives coutumières. Deuxièmement, ils remettent également en question l'adéquation du processus de consentement préalable libre et éclairé (FPIC). Le CLIP donne aux peuples autochtones le droit d'être informés de manière significative sur un projet susceptible d'affecter leurs droits ou leurs terres, et leur permet en outre de donner ou de refuser leur consentement à un tel projet. Enfin, les articles ont mis en évidence les questions relatives à la catégorisation des risques du projet. Chaque projet ou programme du site GCF se voit attribuer une catégorie de risque, qui est basée sur les normes environnementales et sociales du site GCF. Cette catégorisation affectera, par exemple, la nature et la profondeur des évaluations et des engagements environnementaux et sociaux futurs liés au projet.
Ayant déterminé que ces articles soulevaient des préoccupations crédibles concernant le projet financé par GCF , le MRI a lancé une enquête préliminaire afin de déterminer s'il y avait suffisamment de preuves pour engager une procédure. Dans le cadre de son enquête préliminaire, le MRI a examiné des documents et interrogé des parties prenantes externes et internes clés. Après avoir fait cela, le MRI a conclu qu'il y avait suffisamment de preuves pour engager une procédure.
Cependant, plutôt que d'entamer une procédure, le MRI a déterminé qu'il serait plus bénéfique pour toutes les parties concernées de s'engager directement avec le Secrétariat pour voir si des mesures correctives pouvaient être mises en œuvre rapidement et à moindre coût. Après des discussions fructueuses avec le Secrétariat, le directeur exécutif du Secrétariat, Yannick Glemarec, a accepté de prendre des engagements assortis de délais afin de remédier aux problèmes identifiés.
Quatre points d'action ont été convenus. Tout d'abord, le secrétariat a accepté de fournir des conseils sur le FPIC (en particulier sur les exigences en matière de documentation) à toutes les entités accréditées. Deuxièmement, ils ont convenu de publier des conseils aux entités accréditées sur la façon d'évaluer les risques et de catégoriser les projets lorsque des populations autochtones sont impliquées. Troisièmement, ils ont convenu que l'AE, ou alternativement le Secrétariat, commandera une opinion juridique d'expert, qui évaluera si les ACAs auront un effet négatif sur les droits fonciers des Peuples Autochtones ou saperont leur capacité à obtenir des titres de propriété sur leurs terres. Enfin, le Secrétariat a accepté de s'assurer que la documentation du CLIP soumise par l'entité accréditée pour l'établissement de l'AMO est complète et conforme aux directives publiées par le site GCF.
Dans l'état actuel de la situation, le MRI surveille la mise en œuvre du plan d'action. Le Secrétariat a déjà mis en œuvre deux des quatre actions énumérées ci-dessus. En effet, il a publié des directives sur le FPIC et sur le filtrage et la catégorisation des activités impliquant des peuples autochtones*. Le Secrétariat a demandé un délai supplémentaire pour les deux autres actions, invoquant la complexité du processus d'évaluation et la disponibilité de l'expertise comme principales raisons de ce retard. Le Secrétariat a cependant confirmé que les AMO ne seront pas établies tant que l'évaluation des titres fonciers ne sera pas terminée.
Un dossier complet de l'affaire, des mesures prises et des progrès réalisés par rapport au plan d'action est disponible sur la page du registre des affaires de le MRI. Vous pouvez y accéder en utilisant le lien suivant.
* Pour des orientations sur le CLIP, voir http://greenclimate.fund/documents/guidelines-indigenous-peoples-policy (consulté le 6 novembre 2019) ; pour des orientations relatives à la sélection et à la catégorisation des activités impliquant des peuples autochtones, voir https://www.greenclimate.fund/document/sustainability-guidance-note-screening-and-categorizing-gcf-financed-activities (consulté le 6 novembre 2019).